Voilà la présentation d'une association indienne de New Delhi, Saraï, qui développe des projets très intéressants en lien avec les cultures informatiques et la promotion des logiciels libres. Je me permet avant de commencer quelques petites impressions personnelles. Saraï fait réellement figure d'exception à mon sens, dans ce pays où une grande majorité de la population n'a pas accès à l'eau courante, aux soins, ou à l'éducation, en ce qu'elle met en avant l'importance d'offrir une possibilité d'expression personnelle et artistique au plus grand nombre, par le biais de l'accès aux nouvelles technologies informatiques, et qu'elle réussit de cette manière à créer des liens concrets et créatifs avec des populations très défavorisées de la ville de Delhi. Mais aussi parce qu'elle développe des réflexions et un discours critique sur l'espace urbain, sur les rapports que les personnes entretiennent avec ce dernier, ainsi que sur diverses thématiques liées à la mondialisation. Toutes ces informations ont été recueillies lors de discussions à l'espace Saraï en août dernier, plus particulièrement avec Shuddhabrata Sengupta (qui a aussi participé au campement NoBorder NoNation de Strasbourg en juillet, d'où la rencontre et l'envie de créer des liens entre collectifs français et indiens), dans la plaquette d'information de cette association, ainsi que dans le "Saraï Reader 02". Shiva (shiva@inventati.org) * * * Saraï (www.sarai.net) est une association indépendante, qui ne reçoit aucune subvention du gouvernement indien ou de la municipalité de New Delhi. Elle collabore avec des individu-e-s, des universités, et des ONG telles que l'Ankur Society for Alternatives in Education ou la Society of Old and New Media (Amsterdam - www.waag.org), et partage ses locaux avec un centre universitaire de recherche, le "Center for the Study of Developping Society" (29 Rajpur Road, Delhi). Cette association a été mise en place en 1998 par un collectif de 5 personnes, Ravi S. Vasudevan, Ravi Sundaran, Jeebesh Bagchi, Monica Narula, Shuddhabrata Sengupta (ces trois dernier-e-s faisaient précédemment partie du Raqs Media Collective). Aujourd'hui, une trentaine de personnes sont impliquées dans le fonctionnement de Saraï, dont 10 permanent-e-s salarié-e-s. Saraï se veut la première initiative publique en Asie du Sud concernant la culture urbaine, les médias et la vie quotidienne. Les individu-e-s qui y participent tentent de créer des liens entre ces différents thèmes à travers des activités diverses touchant au développement culturel, à la diffusion des free software et à la thématique de la langue. Saraï insiste sur son implication dans le "public domain", basée sur le refus de tout copyright et sur la promotion des logiciels libres. Tous les travaux et publications de cette association sont destinés à la libre distribution/diffusion et à la "re-interprétation". "Reader", une publication annuelle regroupant des textes sur différents thèmes, est réalisée de manière collective depuis deux ans. "Saraï Reader 01" (février 2001) porte sur le "Public Domain", considéré comme un élément essentiel de toute implication politique contemporaine. La deuxième édition de "Reader", "The Cities of Everyday life" s'attache à mettre en avant différents aspects du phénomène urbain en Inde et ailleurs à l'heure de la mondialisation, ainsi que les enjeux actuels de repenser, réinventer l'espace urbain pour en faire un lieu d'expression personnelle et artistique (morphologie urbaines ; la ville comme une scène de spectacle ; la thématique de la surveillance et du contrôle social...). "The Academic Resources in the Public Domain" se constitue progressivement comme une collection de textes d'Asie du Sud et se veut une plateforme de diffusion de savoirs et de promotion d'un discours critique au sein des milieux universitaires et plus largement au sein du grand public. Le projet Opus (www.opuscommon.net) tente d'abolir, tout du moins de dépasser la notion de propriété intellectuelle et artistique et de promouvoir production et échange culturel, en proposant une plateforme de création en ligne. Tout-e-s les images, sons, vidéo et textes du site Opus peuvent être consulté-e-s, téléchargé-e-s, transformé-e-s et remis-es en ligne librement dans le but d'amener les utilisateurs-trices à travailler ensemble et partager leurs réalisations artistiques. Très liée aux milieux universitaires, la recherche, et plus particulièrement concernant la culture urbaine et ses pratiques, ainsi que l'enjeu de la langue à l'époque contemporaine, est une donnée qui sous-tend la plupart des projets menés par Saraï : "Publics and Practices in the History of the Present" entend étudier les évolutions entre les anciens et nouveaux media ainsi que leurs liens avec les pratiques militantes dans la ville de Delhi. Le projet Cybermohalla : en Hindi, le mot "Mohalla" signifie "voisinage", "neighbourhood". Ce projet, amorcé en mai 2001, est destiné à offrir la possibilité à des personnes vivant dans un des quartiers populaires de Delhi, le LNPJ basti, de s'exprimer de manière personnelle et artistique, de réinventer leur espace spatial quotidien, celui de leur "mohalla", grâce à un laboratoire multimédia fonctionnant avec des logiciels libres et autres équipements de faible coût. Cet espace appelé le Compughar est essentiellement fréquenté par des jeunes femmes de 15 à 20 ans, le plus souvent exclues, ne sachant le plus souvent ni lire ni écrire. Le Cybermohalla est mené en collaboration avec l'association Ankur qui poursuit depuis une vingtaine d'année des projets d'éducation alternative. "Ecology and the City" tente de tracer une histoire de la ville de Delhi à travers l'évolution socio-géographique des espaces de travail et d'habitation, les pratiques de production et les rapports de pouvoirs. L'espace Saraï du 29 Rajpur Road à Delhi propose à ses visiteurs-euses un espace informatique en libre accès, qui est aussi destiné à promouvoir l'utilisation des logiciels libres, mais aussi un café, lieu de rencontre et de discussion - le mot "Saraï" pourrait se traduire en anglais par "in" et désigne un endroit accueillant et chaleureux de rencontre, de détente... Cet espace est fréquentée surtout par des universitaires (étudiant-e-s, jeunes profs... - de nombreux historien-ne-s) et des informaticien-ne-s qui y trouvent un espace de libre expression, ce qui n'est pas le cas au sein des universités indiennes où prévaut encore une forte censure. Des séminaires sont organisés tous les mercredis sur des thèmes comme "Media Publics and Practices", "Urban culture and Politics", "Language and Popular Culture". L'association propose aussi des projections vidéo suivies de discussions/débats tous les vendredis (pour le moments les projections/discussions ont porté sur le cinéma iranien, la science fiction, le cinéma de Hong Kong, "Terror and Dread"...). Des ateliers sur des thèmes très divers sont régulièrement organisés : Free Software and Networking, Interface design, Net Cultures, Digital Art Practices, Hindi Language and the New Media, Cinema and the contemporary, Informations Politics. Le site propose des informations sur l'association et ses différents projets, des bases de données publiques concernant la culture Urbaine, mais aussi de nombreuses listes de discussion. L'actualité de Saraï... En novembre, Saraï organise un Tactical Media Laboratory (TML) qui se concentrera surtout sur la thématique de la langue et des enjeux que représente le développement de la diversité linguistique sur Internet par le biais de la mise en place de plateformes multilingues. Ce TML se veut surtout être une occasion de rencontre entre des personnes venant du Pakistan, du Bangladesh et du continent indien, la question des "frontières" et de leur dépassement ayant une acuité et des enjeux très particuliers en Asie du Sud aux vues de leur situation et rapports géopolitiques (pour l'instant de telles rencontres n'ont pu avoir lieu qu'au travers de rencontres internationales en Europe). D'autres thèmes seront abordés lors de ce TML comme celui des cultures informatiques (Media Cultures), ou encore la promotion des usages militants des outils informatiques.